Intervention de Martin Ajdari, président de l’Arcom, en ouverture de la table-ronde consacrée à la « chanson francophone » organisée à l'Arcom

Publié le 14 mars 2025

  • Intervention publique

Seul le prononcé du 13 mars 2025 fait foi, 

Mesdames et Messieurs,

Chers collègues, chers amis de l’Arcom,

Merci beaucoup de votre présence ce matin ; nous sommes très heureux de vous accueillir ici à l’occasion de cette table-ronde consacrée à « la chanson francophone ». Une table-ronde qui s’inscrit dans le cadre de la semaine de la langue française et la francophonie organisée par le ministère de la culture du 15 au 23 mars 2025, sur le thème « Prenez la parole ». Donc n’hésitez pas à prendre la parole au cours de cette matinée.

Je voudrais d’abord remercier celles et ceux qui ont eu l’excellente idée d’aborder cette année le thème de la francophonie sous l’angle de la chanson francophone, et qui ont organisé cette table-ronde. En particulier Laurence Pécaut-Rivolier, membre du collège et présidente du groupe de travail consacré à la protection des publics, ainsi que les directions chargées respectivement de la communication ; de la radio et de l’audionumérique ; de la création ; et des publics, du pluralisme et de la cohésion sociale.

Merci enfin à Bérénice Ravache, directrice générale déléguée du CNM, à Bertrand Dicale, journaliste musical spécialiste de la chanson française et à Brice Homs, auteur de chansons, scénariste et parolier, membre du conseil d’administration de la Sacem, qui ont accepté de nous faire profiter de leur expertise. Car la chanson francophone, c’est tout un monde : un monde de professionnels, d’artistes, interprètes et auteurs de producteurs, d’éditeurs et de diffuseurs, qui en assurent la très grande vitalité. Ce monde de la francophonie, c’est celui du dialogue culturel, de l’ouverture, de l’enrichissement mutuel des valeurs que vous faites vivre, qui font du bien et dont on a besoin.

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Comme vous le savez, la défense et la promotion de la langue française constituent une mission historique du régulateur audiovisuel, inscrite dans la loi du 30 septembre 1986, une mission qui se décline donc en deux grands volets.

1°) Le premier est relatif à la « défense » de la langue française, même si, à titre personnel, je lui préfèrerais le terme « d’attention » portée à la langue française, un peu moins « défensif ».

La plupart des chaînes de télévision ou de services de radio s’engagent, dans le cadre des conventions qu’ils passent avec l’Arcom, à assurer un usage correct de la langue française au sein de leurs émissions ainsi que dans les adaptations, doublages et sous-titrages de programmes étrangers. Et l’Arcom s’assure du respect de ces obligations.

Certains verront dans cette exigence une sorte d’anachronisme. J’y vois pour ma part une invitation collective. Invitation à résister à la tentation des anglicismes, non parce qu’ils viennent de l’étranger, mais parce qu’ils sont souvent moins précis que le terme français approprié. Et dans un monde sujet à la confusion, la précision des termes permet de penser de manière plus juste, ce qui est une manière indirecte de contribuer à la liberté d’expression et de communication, sous un angle « qualitatif ».  

Et il y a aussi une dimension patrimoniale : quand on perd l’usage d’un mot, on en perd le sens et la mémoire. Il nous appartient donc de prêter attention aux mots que nous employons pour continuer à les faire vivre et les transmettre aux générations suivantes.

2°) Le second volet de la mission de l’Arcom, au cœur de nos discussions d’aujourd’hui, porte sur la promotion de la langue française.

Si on fait appel à l’étymologie, en cette semaine de la langue française, promouvoir signifie « pousser en avant », « avancer ».

Or c’est bien de cela dont il s’agit : « pousser en avant » les œuvres francophones et les « faire avancer » auprès des auditeurs francophones et du reste du monde, grâce à de nombreux dispositifs de soutien : il y aborde les indispensables quotas radios, au volet musical des conventions des chaînes, mais aussi à d’autres dispositifs fiscaux ou d’aides à l’exportation, qui ne relèvent pas de l’Arcom, mais qui complètent ces obligations quantitatives. Pousser en avant, c’est aussi un des enjeux de ce joli concept de « découvrabilité » des œuvres francophones que nos amis québécois ont inventé.

Au-delà de ces obligations et des dispositifs de soutien, je veux surtout saluer l’engagement et le rôle capital que jouent les diffuseurs, privés comme publics, en faveur de la chanson francophone, en particulier la radio, média que je connais bien. La France est riche de ses 1 100 radios nationales, locales, ultra-marines, dont 90% sont des radios musicales. Pour 58% des Français, la radio constitue la principale source de découverte de nouvelles musiques. Elle demeure ainsi un grand média de découverte, parfois de redécouverte, par le jeune public, de tubes de leurs parents, expérience qu’on peut ensuite prolonger sur les plateformes de streaming qui permettent d’amplifier l’écoute d’un titre francophone dans des proportions peu imaginables il y a encore une vingtaine d’années.

Car, oui, le public est au rendez-vous. Le public français bien sûr, la chanson francophone étant une chanson populaire au meilleur sens du terme qu’il s’agisse de grands titres qui s’affranchissent des catégories sociales et des générations pour constituer une partie de notre imaginaire commun ou qu’il s’agisse de genres plus spécifiques, hier le rock, aujourd’hui les musiques dites urbaines et le rap, qui illustrent et diffusent, en français, l’esprit d’une génération.

Et dans quelques jours, notre attention se portera sur la chanson que Louane interprètera en français pour l’Eurovision, (dont l’audience avoisine les 160 millions de téléspectateurs) et qu’elle présentera après-demain, le 15 mars. La chanson francophone se joue ainsi des frontières – c’est dans sa nature- pour rencontrer des publics parfois très éloignés de notre langue. Et de ce contact peut naître une envie de découvrir notre culture.

Le soutien à la création francophone, est un des éléments de l’équilibre original instauré par la loi du 30 septembre 1986 entre liberté de communication et responsabilité. L’une des principales responsabilités des éditeurs de radio, en contrepartie des fréquences mises à leur disposition, consiste ainsi à exposer la création, toutes les créations, et à promouvoir la langue française. Autant qu’un régulateur, l’Arcom se voit ici comme un partenaire et se tiendra toujours à la disposition des acteurs pour les aider à concilier cette ambition partagée, la liberté de programmation et les contraintes économiques ou concurrentielles réelles auxquelles ils sont confrontés.

Une fois qu’on a pris la parole comme nous y invite le thème de cette semaine, il faut savoir la céder. Je cède donc la parole à Laurence qui va vous apporter d’autres éclairages, tout en vous remerciant une nouvelle fois, de votre participation.