Discours d'ouverture de la conférence de présentation de l’étude sur la mise en œuvre du décret SMAD

Publié le 26 novembre 2024

  • Intervention publique

Seul le prononcé fait foi, 

          Monsieur le directeur général du CNC, cher Olivier Henrard,

Monsieur le chef de service des médias du ministère de la culture, cher Ludovic Berthelot,

          Mesdames et messieurs, chers collègues,

          Je suis très heureux de vous accueillir cet après-midi à l’Arcom à l’occasion de cette conférence consacrée à la présentation de notre étude de bilan du décret sur les services de médias audiovisuels à la demande, ou « décret SMAD » pour les intimes. Cette étude a été réalisée en collaboration avec le centre national du cinéma et de l’image animée et en lien avec la DGMIC. Je tiens avant toute chose à remercier les équipes de nos deux maisons engagées dans la préparation de l’étude qui vous sera présentée dans quelques instants et, plus largement, dans l’organisation de cette conférence.

Je salue en particulier pour l’Arcom l’implication d’Antoine Boilley, qui a intégré notre collège en janvier 2023 et pris à bras le corps depuis cette date le groupe de travail dédié à la création audiovisuelle, cinématographique et musicale, ainsi que notre direction de la création, pilotée par Raphaël Berger, avec l’implication quotidienne sur ce dossier de Laure Saccone, en charge du contrôle des obligations de financement. Je remercie aussi notre direction des études, qui a largement contribué à ce travail. C’est l’occasion pour moi de souligner l’importance de la dimension culturelle de la régulation, qui s’est considérablement élargie ces dernières années.

Le décret SMAD du 22 juin 2021, qui est venu traduire l’ambition de la directive SMA de 2018, a en effet ouvert une nouvelle ère pour le financement de la création.

Je rappelle que les éditeurs nationaux de télévision sont les premiers financeurs de la production nationale, avec des obligations définies en fonction de leurs chiffres d’affaires et qui peuvent être fléchées, en fonction de leur programmation et de leur modèle économique, sur des genres particuliers. En 2022, les contributions des éditeurs linéaires en télévision s’élevaient à plus d’1,2Md€ : nous publierons sous peu les données 2023, qui mettent à nouveau en évidence la mobilisation du secteur.

Ce modèle de financement assis sur l’engagement des acteurs audiovisuels traditionnels contribue directement à la vitalité de la création nationale ; il est au cœur des relations que le régulateur entretient avec les acteurs régulés, que ce soit dans les exercices de candidatures aux fréquences, dans l’élaboration des conventions et dans le contrôle des obligations. Nous avons la chance à cet égard de disposer en France d’acteurs particulièrement engagés en la matière, qu’ils soient publics ou privés.

Je pense, notamment, au soutien de France Télévision à la création audiovisuelle et à celui de Canal + à la création cinématographique. L’engagement de nos acteurs nationaux fait d’ailleurs partie des raisons pour lesquelles le régulateur est particulièrement vigilant à leur financement : l’audiovisuel public doit bénéficier de ressources affectées et pérennes et le modèle économique de nos médias privés doit être protégé et conforté.

Face à l’évolution des usages, avec en particulier une bascule notable vers la consommation à la demande sur les plateformes internationales, il était devenu indispensable de faire évoluer notre modèle. Cette évolution était nécessaire pour corriger les asymétries réglementaires entre les acteurs nationaux et les plateformes internationales, puisque ces dernières, qui ciblaient le public français, n’étaient pas soumises à des obligations de financement de la production ; elle était nécessaire également pour donner un nouvel élan à notre modèle culturel, en l’adaptant aux nouvelles réalités de l’environnement de la création et de la consommation de contenus audiovisuels et cinématographiques.

C’est toute l’ambition de la directive SMA et tout l’objet du décret SMAD. Le régulateur audiovisuel s’est immédiatement mobilisé pour le mettre en œuvre. Dès le mois de décembre 2021, l’Arcom a réussi à intégrer ces nouveaux acteurs sans heurts - et sans contentieux. Le régulateur a ainsi sécurisé les financements de ces acteurs en nouant des conventions et en notifiant leurs obligations aux principaux SMAD internationaux ciblant le public français ; la France était alors, avec l’Italie, le seul Etat membre en Europe à avoir mis en œuvre aussi rapidement le cadre de la directive. Elle l’a fait avec des niveaux de contribution particulièrement ambitieux, sans équivalent dans le reste de l’Union, avec des obligations fléchées notamment vers les œuvres patrimoniales et d’expression originale française.

L’intégration de ces acteurs a permis d’offrir de nouveaux financements à notre production, que ce soit en production audiovisuelle ou cinématographique : en 2022, les dépenses des SMAD correspondaient à près de 350M€, soit 20% des dépenses totales retenues au titre de la production en audiovisuel et en cinéma, en progression de plus de 12% par rapport à 2021. Depuis l’entrée en vigueur du décret, ce sont plus de 866 M€ qui ont été déclarés par seulement trois de ces services étrangers de vidéo à la demande par abonnement - Disney+, Netflix et Prime Video, qui font l’objet d’une analyse particulière dans notre étude-, dont 624 M€ pour le préfinancement d’œuvres européennes ou d’expression originale française.

Les conventions signées avec le régulateur ont souvent été enrichies par la suite par des accords interprofessionnels avec la filière.

Les engagements des grands acteurs de streaming soulignent la force de notre modèle culturel, qui sait s’adapter face à l’évolution des usages et du marché ; ils mettent aussi en évidence la volonté de ces acteurs de s’intégrer harmonieusement à ce modèle, pour conforter le dynamisme de notre tissu productif, dont les acteurs ont su tirer parti des nouvelles demandes exprimées par le public et par ces acteurs de vidéo à la demande ; ils ont enfin profondément fait évoluer le travail de l’Arcom. Les acteurs de streaming sont aujourd’hui des interlocuteurs quotidiens du régulateur et sont pleinement intégrés à nos missions de contrôle, dans un climat de travail constructif ; je profite de l’occasion pour souligner toute l’importance pour accomplir nos missions de la transparence des informations transmises en matière d’investissement. Je note enfin que le public français, comme le public international, est au rendez-vous des programmes et œuvres qui sont portés par les SMAD, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de leurs obligations. Vous le savez, l’intérêt du public est l’une des boussoles du régulateur et nous ne pouvons bien sûr que nous réjouir de cet impact concret de nos avancées collectives.

Nous pourrions nous contenter de ce satisfecit et d’observer les évolutions impulsées par le décret SMAD. Mais en bon magistrat des comptes, je sais que toute politique publique s’évalue, qu’il faut toujours s’interroger sur la pertinence d’un cadre, sur ses effets et sur son avenir.

C’est pourquoi nous avons souhaité engager avec le CNC une réflexion sur la mise en œuvre de ce décret, plus de trois ans après sa publication et alors que nous disposons désormais d’un recul suffisant pour conduire cet exercice.

Une précision toutefois : bilan ne veut pas dire remise en cause, et encore moins table rase. Alors que la directive SMA est de plus en plus souvent attaquée, y compris à l’échelon européen, je crois qu’il est urgent de conforter son héritage. Fabien Raynaud et Hortense Naudascher ont récemment remis au président du CNC un intéressant rapport sur les équilibres de l’industrie audiovisuelle et cinématographique à l’heure des grandes plateformes dont les propositions seront utiles dans les phases à venir.

Je suis convaincu que l’excellence d’un modèle culturel ne se décrète pas : elle se construit, avec des règlementations, des régulateurs, une filière engagée, des interlocuteurs mobilisés, vous tous ici présents. C’est pourquoi nous avons souhaité conduire nos travaux dans un esprit de responsabilité.

Antoine Boilley et Cécile Lacoue, directrice des études et de la prospective du CNC, vous présenteront le bilan dans un instant. Mais je cède avant et sans plus tarder la parole à Olivier Henrard. Merci pour votre écoute.