Recommandation de l'Arcom sur l'article 26 de la loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique (loi REEN)

Publié le 13 septembre 2023

  • Recommandations

Dans le cadre de l’article 26 de la loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, l’Arcom, en lien avec l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et l'Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (ADEME), publie une recommandation destinée aux services de télévision, services de médias audiovisuels à la demande et aux plateformes de partage de vidéos, afin de les inciter à informer les consommateurs de l’impact environnemental lié à l'utilisation de ces services en raison de la consommation de données qu’elle génère. La recommandation vise en particulier la consommation d'énergie et d'équivalents d'émissions de gaz à effet de serre.

La recommandation de l'Arcom

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique,

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;

Vu la loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, notamment son article 26 ;

Après en avoir délibéré,

Adopte la recommandation suivante :

L’article 26 de la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France dispose que l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), en lien avec l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et l'Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (ADEME), « publie une recommandation quant à l'information des consommateurs par les services de télévision, les services de médias audiovisuels à la demande et les services de plateforme de partage de vidéos, définis à l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, en matière de consommation d'énergie et d'équivalents d'émissions de gaz à effet de serre de la consommation de données liée à l'utilisation de ces services, en tenant compte notamment des modalités d'accès à ces contenus et de la qualité de leur affichage ».

À cette fin, l’Arcom, en lien avec l’Arcep et l’ADEME, a mené une concertation au travers d’un cycle d’auditions auprès des professionnels concernés par ces dispositions et a publié une consultation publique le 1er décembre 2022 afin de recueillir les observations des acteurs quant aux propositions de mesures à mettre en œuvre dans le cadre de la recommandation.

Tenant compte des contributions à la consultation publique, les dispositions ci-après, issues des travaux menés par l’Arcom, en lien avec l’Arcep et l’ADEME, s’inscrivent, conformément à la volonté clairement exprimée par le législateur lors de l’adoption de la loi du 15 novembre 2021, 02 RCAC2324195X dans une démarche d’encouragement des bonnes pratiques de consommation et de développement d’usages éclairés. Si les mesures (I) à (III) précisées dans la présente recommandation ne revêtent donc pas un caractère impératif, l’Arcom, après concertation avec l’Arcep et l’ADEME, encourage l’ensemble des acteurs à y souscrire pleinement.

Le numérique représentait en 2020 près de 2,5 % de l’empreinte carbone des Français, soit 17,2 millions de tonnes équivalent CO2 (MtCO2éq), selon l’étude ADEME – Arcep (2022 - 2023). Cette empreinte pourrait augmenter de 45 % d’ici 2030 (25 Mt CO2éq) et tripler à horizon 2050 (49Mt CO2éq) si la tendance actuelle se poursuit.

Sur l’ensemble des phases du cycle de vie du numérique, la fabrication des équipements (terminaux, centres de données, infrastructures réseaux), concentre 78 % de l’empreinte carbone du numérique. La phase d’utilisation de ces équipements représente quant à elle 21 % des émissions carbone et tendrait à s’accroître, notamment en raison du développement des usages.

En outre, le développement du numérique est notamment lié à celui de la consommation vidéo. Les flux vidéo représentaient en effet 66% du trafic internet mondial en 2022 selon Sandvine (janvier 2023).

Ainsi, l’impact environnemental du numérique doit être envisagé de manière globale : réseaux, centres de données et terminaux sont interdépendants et les services et usages du numérique associés peuvent avoir un effet direct sur le renouvellement ou la commercialisation de nouveaux équipements, la quantité de données consommées ou le dimensionnement des réseaux. Il est ainsi important que les acteurs économiques concernés puissent œuvrer à des services plus responsables.

Dans ce contexte, il apparaît essentiel d’informer les utilisateurs sur l’impact environnemental de la consommation de contenus audiovisuels selon la disponibilité de données fiables sur le sujet (I) et de leur donner facilement accès à des solutions leur permettant d’adopter des usages plus respectueux de l’environnement (II). Ces démarches devraient pouvoir s’appuyer sur une méthodologie commune de calcul de l’impact environnemental des usages audiovisuels pour être facilement compréhensibles (III) et faire l’objet d’une évaluation annuelle pour mesurer les progrès réalisés (IV).

I. La publication d’informations visant à informer les utilisateurs sur l’impact environnemental lié à la consommation de contenus audiovisuels

A. La nature des informations mises à disposition

Les services de télévision, les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) et les services de plateforme de partage de vidéos s’engagent à mettre à la disposition du public :

 

1°. Des informations générales, accessibles et pédagogiques, relatives à l’impact environnemental de la consommation de contenus audiovisuels.

Celles-ci précisent que :

  • différents acteurs participent à cet impact environnemental : notamment les fabricants de terminaux, les réseaux et les centres de données, les services audiovisuels et de partage de vidéos, mais aussi les utilisateurs de ces services et plateformes, au travers de leurs usages ;
  • concernant les services audiovisuels et les plateformes de partage de vidéos, l’intensité de cet impact est fonction de divers facteurs, en particulier les choix en matière de qualité d’image, les modalités techniques d’accès et la combinaison des deux ;
  • l’impact dépend aussi du type de terminal (notamment de la taille de l’écran), de la fréquence de renouvellement du terminal de réception et du choix du réseau de diffusion.

 

2°. Des informations générales quantitatives mentionnant les impacts environnementaux liés aux services diffusant des contenus audiovisuels, selon la disponibilité de données fiables sur le sujet et en lien avec l’ADEME. Ces informations pourront être enrichies, après la mise en place d’une méthodologie commune de calcul de l’impact environnemental des usages audiovisuels (sur la base d’une méthodologie de type « Référentiel par Catégorie de Produit », dit « RCP »), d’une information portant spécifiquement sur l’impact environnemental lié aux services utilisés.

 

3°. Des informations sur les actions mises en œuvre par les services de télévision, les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) et les services de plateforme de partage de vidéos pour réduire leur impact environnemental, par exemple : l’utilisation de codecs efficaces, l’utilisation de serveurs cache, les efforts en matière de sobriété des sites internet, leurs engagements en matière de publicité, la diffusion de programmes consacrés à l’environnement et à sa protection, le développement d’infrastructures durables (recours à des technologies plus efficaces énergétiquement, écogestes mis en place au sein de ces infrastructures, ...), les leviers à disposition des utilisateurs de préférence sous la forme d’une fonctionnalité « sobriété énergétique », la proposition par défaut sur le service ou la plateforme d’une qualité d’image sobre énergétiquement, etc.

 

4°. Des informations indiquent par ailleurs de manière pédagogique les leviers mis à la disposition des utilisateurs pour réduire cet impact, à la fois en adaptant leurs modalités d’usage et en privilégiant des comportements plus sobres, tels que :

  • éteindre les terminaux et équipements numériques lorsqu’ils ne sont pas utilisés (la télévision, la box internet/le décodeur, etc.) ;
  • privilégier l’accès aux contenus en réseau fixe lorsque cela est possible ; le réseau utilisé par l’usager ne dépendant pas des opérateurs de services, ces derniers s’efforcent de les inciter à avoir recours aux réseaux les plus efficaces énergétiquement (lorsque cela est possible, recours au réseau fixe plutôt que mobile). Les acteurs peuvent enrichir leur communication de précisions visant à expliquer ces choix ;
  • utiliser les leviers mis à la disposition des utilisateurs pour réduire l’impact de leurs usages, et notamment la proposition sur le service ou la plateforme d’un mode d’utilisation plus sobre énergétiquement.

 

B. La diffusion d’une campagne de communication commune

Les services de télévision, les services de médias audiovisuels à la demande et les services de plateforme de partage de vidéos élaborent une campagne de communication commune permettant de sensibiliser le public sur l’impact environnemental lié à la consommation de contenus audiovisuels. Cette campagne peut prendre différentes formes à adapter selon la catégorie d’acteur concernée, y compris la diffusion de programmes consacrés à l’environnement.Il peut ainsi s’agir d’une approche éditoriale (par exemple au travers de sujets dédiés à l’impact environnemental de la consommation audiovisuelle lors de programmes réguliers tels que les magazines, journaux télévisés, émissions thématiques, aux heures de grande écoute) ou du relais d’une campagne nationale telle que la campagne Alt Impact de l’ADEME.

Cette campagne est diffusée ou mise à disposition du public au cours d’une semaine au moins, chaque année, par exemple à l’occasion de la semaine européenne du développement durable.

 

C. Les autres modalités de mise à disposition des informations

En dehors de la période de campagne, ces informations demeurent facilement accessibles aux utilisateurs qui souhaiteraient les consulter :

  • les informations sont mises à disposition par les acteurs, selon leur catégorie, sur la plateforme numérique du service audiovisuel, sur le service de médias audiovisuels à la demande ou sur le service de plateforme de partage de vidéos, dans une rubrique dédiée facilement accessible, et peuvent faire l’objet d’une communication en direct lors des programmes dédiés à l’environnement sur les services linéaires ;
  • un message d’information est visible lors de l’accès à la plateforme numérique du service audiovisuel, au service de médias audiovisuels à la demande ou au service de plateforme de partage de vidéos, pour informer l’utilisateur de l’existence de cette rubrique. Ce message peut par exemple prendre la forme d’un bandeau d’information ou d’une rubrique mise en avant sur la page d’accueil de la plateforme numérique des acteurs, du type « Vous souhaitez en savoir plus sur les écogestes à privilégier ? ».
  • les informations proviennent de sources fiables et reconnues au niveau national ou international, dès lors que des études provenant de ces sources existent et sont publiques (type sources étatiques, européennes) ;
  • les informations sont actualisées autant que de besoin avec les dernières données disponibles.

 

II. L’accès aux réglages des paramètres de qualité de l’image et la recommandation au public de paramètres d’utilisation sobres en énergie, en privilégiant si possible la mise à disposition simple d’une fonction de type « sobriété énergétique ». Les services de télévision, les services de médias audiovisuels à la demande et les services de plateforme de partage de vidéos rendent facilement accessibles aux utilisateurs les réglages des paramètres et les informent de l’existence de ces réglages et de leur intérêt pour l’environnement.

Les services proposent au public une recommandation de paramétrage faiblement consommatrice d’énergie (incluant notamment la qualité de l’image, la désactivation de la lecture automatique de vidéos), et tenant compte des conditions d’utilisation (par exemple en fonction de la taille de l’écran du terminal ou du réseau utilisé). Ces paramètres de réglage sont rapidement accessibles et faciles à mettre en place pour l’utilisateur.

Les services privilégient, si cela s’avère techniquement possible, la mise à disposition d’une fonctionnalité de type « sobriété énergétique », aisément accessible (le chemin depuis l’écran d’accueil nécessite un nombre d’actions limité, par exemple en un ou deux « clics ») et permettant d’appliquer automatiquement l’ensemble des réglages les plus respectueux de l’environnement.

L’existence de l’interface permettant les réglages est clairement visible et signalée par l’éditeur ou l’opérateur.

 

III. La mise en place d’une méthodologie commune de calcul de l’impact environnemental des usages audiovisuels

Les services de télévision, les services de médias audiovisuels à la demande et les services de plateforme de partage de vidéos sont invités à mettre en place, avec d’autres acteurs du secteur numérique et audiovisuel, une méthodologie commune de calcul de l’impact environnemental des usages audiovisuels liés à l’utilisation de leurs services en 2024 (l’Arcom, l’Arcep et l’ADEME pourront être associés à une ou plusieurs réunions concernant sa mise en œuvre), sur la base d’un référentiel catégoriel (Référentiel par Catégorie de Produit, dit « RCP ») réalisé selon les principes généraux pour l’affichage environnemental des produits et services développés par l’ADEME et la Commission européenne (Réglementation « Product Environmental Footprint », dite « PEF »). La mise en œuvre d’un tel référentiel nécessite en particulier la fourniture par les acteurs concernés de données d’Inventaire de Cycle de Vie (ICV).

La méthodologie de calcul doit permettre de développer un affichage homogène par catégorie d’acteurs (un format d’affichage qui diffère selon que le service est un SMAD, une chaîne de télévision ou une plateforme de partage de vidéos, ce qui conduit à trois formats d’affichage différents). Elle doit prendre en compte la spécificité des différents réseaux, fixes ou mobiles. Cet affichage pourra s’appuyer, par exemple, sur le modèle des travaux menés par l’ADEME dans le cadre de l’article 13 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, concernant l’information des abonnés des fournisseurs d’accès à internet et des opérateurs télécom, de la quantité de données consommées et leurs équivalents en émissions de gaz à effet de serre. Il sera partagé par l’ensemble des acteurs concernés par la présente recommandation, et sera facilement compréhensible pour l’utilisateur.

 

IV. Les informations relatives à la mise en œuvre des dispositions de la présente recommandation et son bilan d’application

Les éditeurs de services de télévision, les éditeurs de services de médias audiovisuels à la demande et les opérateurs de services de plateforme de partage de vidéos informent chaque année l’Arcom des actions menées dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions de la présente recommandation. Cette information, qui est communiquée au plus tard le 31 mars pour l’exercice précédent, est étayée par des indicateurs chiffrés visant à rendre compte de l’efficacité des mesures mises en place (par exemple, visibilité de l’information pour l’utilisateur, actualisations régulières de ces informations, comportements plus sobres observés chez les utilisateurs en particulier) et fait état le cas échéant des améliorations envisagées pour les années suivantes afin de renforcer l’efficacité de ces mesures.

Un bilan permettant de rendre compte du degré d’engagement des acteurs concernés sera réalisé et rendu public à l’issue des deux premières années d’application de ce texte.

 

La présente recommandation sera publiée au Journal officiel de la République française.

 

Fait à Paris, le 26 juillet 2023.

Pour l'Autorité de la régulation de la communication audiovisuelle et numérique

Le président

R.-O. MAISTRE

 

Recommandation de l'Arcom sur l'article 26 de la loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique