Émission "L'Heure des pros 2" diffusée le 1er février 2021 : CNews mise en demeure

Publié le 20 mai 2022 | Assemblée plénière 10 mai 2022

  • Mise en demeure

L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique,

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 1er, 3-1, 28 et 42 ;

Vu la décision n° 2005-473 du 19 juillet 2005 modifiée et prorogée autorisant la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.) à utiliser une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national diffusé en clair par voie hertzienne terrestre en mode numérique initialement dénommé « i Télé » puis, à compter de la décision n° 2016-680 du 27 juillet 2016, « CNEWS », et la décision n° 2019-582 du 11 décembre 2019 portant reconduction de l'autorisation du 19 juillet 2005 ;

Vu la convention conclue entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I), le 27 novembre 2019, concernant le service de télévision Cnews, notamment ses articles 2-2-1, 2-3-7 et 4-2-1 ;

Vu la délibération n° 2018-11 du 18 avril 2018 du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information et des programmes qui y concourent, notamment son article 1er ;

Vu le compte rendu de visionnage de l'émission « L'heure des pros 2 » diffusée sur le service « Cnews » le 1er février 2022 ;

Considérant ce qui suit :

Sur le cadre juridique :

1. D'une part, en vertu des dispositions de l'article 42 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et des stipulations de l'article 4-2-1 de la convention du 27 novembre 2019, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut mettre en demeure la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.) de respecter les obligations qui lui sont imposées ;

2. D'autre part, aux termes du troisième alinéa de l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986, « l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique garantit l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information et des programmes qui y concourent, sous réserve de l'article 1er de [cette] loi » affirmant le principe de la liberté de la communication au public par voie électronique. Sur ce fondement, l'article 1er de la délibération du 18 avril 2018 dispose que l'éditeur « doit assurer l'honnêteté de l'information et des programmes qui y concourent. / […] / Il fait preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information ». Par ailleurs, l'article 2-3-7 de la convention du 27 novembre 2019 stipule que « l'exigence d'honnêteté s'applique à l'ensemble des programmes. L'éditeur respecte la délibération du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information et des programmes qui y concourent ». Enfin, l'article 2-2-1 de cette convention prévoit que « l'éditeur est responsable du contenu des émissions qu'il diffuse. Il conserve en toutes circonstances la maîtrise de son antenne » ;

Sur l'émission « L'heure des pros 2 » diffusée le 1er février 2022 :

3. Il ressort du compte rendu de visionnage de l'émission « L'heure des pros 2 » du 1er février 2022 que durant ce programme de débat d'actualité, un chroniqueur de l'émission a fait mention du ghetto de Varsovie et des origines historiques de ce dernier ;

En ce qui concerne l'obligation d'honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information :

4. Il ressort du compte rendu de visionnage qu'un chroniqueur de l'émission, réagissant à des propos tenus par un médecin au sujet du traitement réservé aux personnes non vaccinées contre la covid-19, a notamment déclaré : « On ne peut pas faire un parallèle entre la condition des non vaccinés et la conditions des juifs, si c'est ce que vous voulez me faire dire, ça, c'est pas ce qu'il dit non plus, il dit qu'il faut faire attention à la ségrégation hygiéniste, parce que dans la ségrégation hygiéniste, on a connu ça sous le nazisme, notamment, où ils cherchaient l'homme parfait, l'homme sain, l'homme sans, sans poux et et sans sans contaminant, rappelez-vous quand même que quand le ghetto de Varsovie a été créé en 1940 c'était un, c'était un lieu de contaminants, euh mi, un lieu de contaminés. C'était d'abord un lieu hygiéniste. », ajoutant « Oui le ghetto c'était ça, c'était un lieu hygiéniste c'était un lieu qui était fait pour préserver du typhus. Et donc naturellement on s'arrête, la comparaison, s'arrête là, on ne peut pas aller beaucoup plus loin que ça, mais malgré tout, cette ségrégation qui s'est installée, au nom d'un hygiénisme d'Etat, est tout à fait totalitaire. » ;

5. Or, il y a consensus au sein de la communauté scientifique pour considérer que les raisons sanitaires mises en avant par l'Allemagne nazie pour justifier la création du ghetto de Varsovie en octobre 1940 étaient un prétexte visant au regroupement des juifs, première étape de leur extermination ;

6. Dès lors, l'éditeur ne peut être regardé comme ayant fait preuve d'honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information. Il a ainsi méconnu les stipulations de l'article 2-3-7 de sa convention et les dispositions de l'article 1er de la délibération du 18 avril 2018, auxquelles il renvoie ;

En ce qui concerne l'obligation de maîtrise de l'antenne :

7. Il ressort également du compte rendu de visionnage que les propos du chroniqueur n'ont suscité aucune réaction de la part des personnes présentes en plateau durant la séquence, ce qui caractérise un défaut de maîtrise de l'antenne, constitutif d'un manquement aux stipulations de l'article 2-2-1 de la convention ;

8. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de mettre en demeure la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.) de se conformer, à l'avenir, d'une part, aux stipulations précitées de l'article 2-3-7 de la convention du 27 novembre 2019 ainsi qu'aux dispositions de l'article 1er de la délibération n° 2018-11 du 18 avril 2018 du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information et des programmes qui y concourent et d'autre part, à l'article 2-2-1 de cette même convention ;

Après en avoir délibéré,

Décide :

Article 1

La Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.) est mise en demeure de se conformer à l'avenir, en ce qui concerne le service de télévision « Cnews », d'une part, aux stipulations précitées de l'article 2-3-7 de la convention du 27 novembre 2019 ainsi qu'aux dispositions de l'article 1er de la délibération n° 2018-11 du 18 avril 2018 du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information et des programmes qui y concourent et, d'autre part, à l'article 2-2-1 de cette même convention.

Article 2

La présente décision sera notifiée à la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.) et publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 10 mai 2022.

Pour l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique :
Le président,
R.-O. Maistre

 

Décision n° 2022-289 du 10 mai 2022 mettant en demeure la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.)