Délibération n°2022-73 du 19.10.22 relative aux conditions de diffusion, par les services TV, radio et VàD, des communications commerciales en faveur d’un opérateur de jeux d’argent et de hasard
La loi n°2010-476 du 12 mai 2010 a organisé l’ouverture à la concurrence et la régulation de certains secteurs du marché des jeux d’argent et de hasard en ligne. Elle a institué l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), autorité administrative indépendante, qui accordait des agréments aux opérateurs, contrôlait leur activité et participait à la lutte contre l’offre illégale de jeux en ligne.
L’ordonnance n°2019-1015 du 2 octobre 2019 a réformé et clarifié l’organisation de la régulation des jeux d’argent et de hasard notamment en créant de nouvelles dispositions communes aux jeux d’argent et de hasard au sein des articles L. 320-1 à L. 320-8 du code de la sécurité intérieure. Elle a également créé, au 1er janvier 2020, l’Autorité nationale des jeux (ANJ), en remplacement de l’ARJEL. Cette nouvelle autorité, chargée de l’agrément et de la régulation des opérateurs de jeux ou de paris, est dotée de pouvoirs renforcés sur un périmètre de compétences élargi. Les modalités de sa régulation ont été précisées dans le décret n°2020-1349 du 4 novembre 2020 qui a ainsi énoncé les conditions de diffusion des communications commerciales en faveur des jeux d’argent et de hasard au sein des nouveaux articles D. 320-2 à D. 320-10 du code de la sécurité intérieure.
Ainsi, les communications commerciales en faveur des opérateurs de jeux autorisés en vertu d’un droit exclusif ou de l’agrément attribué par l’ANJ sont admises sous certaines conditions et limitations définies à l’article L. 320-12 du code de la sécurité intérieure.
Conformément à l’article L. 324-8-1 de ce code, le fait d’émettre ou de diffuser, par tout moyen, une communication commerciale non conforme aux dispositions de l’article L. 320-12 est passible d’une amende de 100 000 €. Le tribunal compétent peut porter le montant de l’amende au quadruple du montant des dépenses publicitaires consacrées à l’opération illégale.
Les manquements aux dispositions de la présente délibération peuvent faire l’objet, après mise en demeure, des sanctions prévues aux articles 42-1, 42-4, 48-2 et 48-3 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Aux termes de l’article L. 320-12 du code de la sécurité intérieure :
« Toute communication commerciale en faveur d’un opérateur de jeux d’argent et de hasard légalement autorisé est :
(…)
« 3° Interdite sur les services de communication audiovisuelle et dans les programmes de communication audiovisuelle, présentés comme s’adressant aux mineurs au sens de l’article 15 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ; (…) »
Aux termes de l’article L. 320-13 du code de la sécurité intérieure :
« Une délibération de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique précise les conditions de diffusion, par les services de communication audiovisuelle, des communications commerciales mentionnées au premier alinéa de l’article L. 320-12, notamment les modalités d’application du 3°du même article ».
La présente délibération, qui est applicable aux éditeurs de services de télévision, de radio, et de médias audiovisuels à la demande, a pour objet de préciser les conditions de diffusion de ces communications commerciales.
Elle vise les communications commerciales suivantes en faveur des opérateurs de jeux d’argent et de hasard légalement autorisés en vertu de la loi (ci-après dénommés « opérateurs de jeux ») :
- les messages publicitaires ;
- le parrainage ;
- le placement de produit.
Sont concernées les communications commerciales de tous les opérateurs légalement autorisés par la puissance publique pour les activités sur le réseau physique et en ligne, que ce soit en vertu d’un droit exclusif (La Française des jeux, Pari mutuel urbain), d’une autorisation (casinos) ou d’un agrément délivré par l’ANJ.
La présente délibération abroge et succède à la délibération n° 2013-3 du 22 janvier 2013 relative aux conditions de diffusion, par les services de télévision et de radio, des communications commerciales en faveur d’un opérateur de jeux d’argent et de hasard légalement autorisé. Elle prend en considération les lignes directrices et recommandations adoptées le 17 février 2022 par l’ANJ et a également vocation à s’appliquer aux services de médias audiovisuels à la demande.
A la demande du Conseil supérieur de l’audiovisuel, les régies publicitaires télévisées, d’une part, et les éditeurs de radio et leurs régies publicitaires, d’autre part, avaient signé, les 7 et 31 janvier 2011, des chartes de bonne conduite visant à encadrer le volume et la concentration des communications commerciales en faveur des opérateurs légaux de jeux d’argent et de hasard. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique a demandé à ces signataires de réviser ces chartes, notamment pour appliquer la charte des éditeurs de services de télévision aux services de médias audiovisuels à la demande et y intégrer les principes des lignes directrices et recommandations de l’ANJ auxquelles elle souscrit, au regard de récents constats faisant apparaître une intensification de la communication publicitaire en faveur des opérateurs de paris sportifs notamment à l’occasion des grandes compétitions sportives. Si elle constate des dérives dans les pratiques, elle se réserve la possibilité d’imposer dans une délibération ultérieure des règles précises encadrant le volume et la concentration de ces communications commerciales. Par ailleurs, les différentes parties prenantes (éditeurs de services, organisation représentative de la profession de journaliste sportif, opérateurs de jeux d’argent et de hasard, instances fédératrices des organisateurs de compétitions sportives) s’étaient réunies à l’initiative du Conseil dans l’objectif d’adopter une charte d’engagements déontologiques visant à éviter toute dénaturation des émissions, notamment sportives. En effet, depuis l’ouverture du marché des jeux en ligne, il avait parfois été constaté une dénaturation du contenu de certaines émissions, notamment radiophoniques, consacrées au sport. Celle-ci tend à une promotion de l’activité de paris sportifs et à une incitation faite au public à jouer, accompagnée de références à des espoirs de gains. Cette charte a été signée le 11 juillet 2013. L’Autorité est vigilante quant à la bonne application des engagements pris par les acteurs concernés et invite les éditeurs de services de médias audiovisuels à la demande à y souscrire.
I. Définitions relatives au 3° de l’article L. 320-12 du code de la sécurité intérieure
A. Définition des services de télévision, de radio et de médias audiovisuels à la demande présentés comme s’adressant aux mineurs au sens de l’article 15 de la loi du 30 septembre 1986
Les services de télévision, de radio et de médias audiovisuels à la demande présentés comme s’adressant aux mineurs, entendus comme enfants et adolescents, sont définis au regard du faisceau de critères suivant :
- le public visé ;
- l’objet du service, tel qu’il est notamment mentionné, le cas échéant, dans la convention conclue avec l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ;
- les caractéristiques de l’offre de programmes ;
- la présentation du service au sein d’une thématique jeunesse dans l’offre commerciale d’un distributeur ;
- la communication du service auprès du public et des professionnels (site internet, communication dans la presse, communication professionnelle, présentation des programmes par la régie publicitaire, etc.).
Ces critères sont destinés à éclairer les acteurs sur les lignes directrices qui guident l’Autorité dans sa mission d’application de la loi et ne sont pas exclusifs d’appréciation cas par cas.
B. Définition des programmes présentés comme s’adressant aux mineurs au sens de l’article 15 de la loi du 30 septembre 1986
- Les programmes des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande présentés comme s’adressant aux mineurs
Les programmes des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande présentés comme s’adressant aux mineurs, entendus comme enfants et adolescents, sont définis au regard du faisceau de critères suivant :
- la conception du programme pour les enfants ou les adolescents. Pourront notamment être pris en compte la présence de personnages jeunes, les thématiques touchant les enfants et les adolescents, le langage employé, le cadre de l’action ;
- pour les services de télévision, la diffusion du programme à des horaires appropriés à ces publics ;
- l’habillage spécifique du programme, l’identifiant comme s’adressant à ces publics ;
- l’élaboration ou le suivi du programme par l’unité en charge de la jeunesse au sein du service ;
- la promotion du programme par le service comme s’adressant à ces publics (site internet, communication dans la presse, communication professionnelle, présentation des programmes par la régie publicitaire, etc.).
- Les programmes des services de radio présentés comme s’adressant aux mineurs
Les programmes des services de radio présentés comme s’adressant aux mineurs, entendus comme enfants et adolescents, sont définis au regard du faisceau de critères suivant :
- la conception du programme pour les enfants ou les adolescents. Pourront notamment être pris en compte l’intervention de jeunes auditeurs, les thématiques abordées dans le programme, le ton et le langage employés par les animateurs et les auditeurs ;
- la diffusion du programme à des horaires visant ces publics, notamment en soirée pour les émissions de libre antenne ;
- l’habillage spécifique du programme, l’identifiant comme s’adressant à ces publics ;
- la nature des lots offerts aux auditeurs ;
- le recours à des moyens de communication particulièrement appréciés par ces publics ;
- la promotion du programme par le service comme s’adressant à ces publics (site internet, communication dans la presse, communication professionnelle, présentation des programmes par la régie publicitaire, etc.).
3. Modalités d’application
Ces critères sont destinés à éclairer les acteurs sur les lignes directrices qui guident l’Autorité dans sa mission d’application de la loi et ne sont pas exclusifs d’appréciation cas par cas.
II. Conditions de diffusion des communications commerciales en faveur des opérateurs de jeux
A. Interdiction de diffusion sur certains services de télévision, de radio et de médias audiovisuels à la demande et dans certains programmes
Les communications commerciales précitées en faveur des opérateurs de jeux sont interdites :
- sur les services de télévision, de radio et de médias audiovisuels à la demande présentés comme s’adressant aux mineurs au sens du I de la présente délibération, conformément au 3o de l’article L. 320-12 du code de la sécurité intérieure ;
- sur les autres services de télévision, de radio et de médias audiovisuels à la demande, dans les programmes présentés comme s’adressant aux mineurs au sens du I de la présente délibération, conformément au 3o de l’article L. 320-12 du code de la sécurité intérieure, ainsi que durant les trente minutes précédant et suivant la diffusion de ces programmes sur les autres services de télévision et de radio uniquement. S’agissant des services de médias audiovisuels à la demande ne s’adressant pas spécifiquement aux mineurs mais comportant un espace qui leur est dédié, l’interdiction de toute communication commerciale en faveur des opérateurs de jeux d’argent et de hasard s’applique à l’ensemble de cet espace.
B. Autres dispositions
Les messages publicitaires et le parrainage en faveur des opérateurs de jeux respectent les dispositions du décret no 92-280 du 27 mars 1992 fixant les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de téléachat, du décret no 87-239 du 6 avril 1987 fixant pour les services privés de radiodiffusion sonore diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite le régime applicable à la publicité et au parrainage et du décret no 2021-793 du 22 juin 2021 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande.
L’Autorité apprécie la conformité à ces dispositions des incitations au pari en direct qui prendraient place dans des émissions. Lorsqu’un pari sportif ou hippique est évoqué dans une émission parrainée par un opérateur de paris, faire référence à « la » cote d’une épreuve ou d’une course peut constituer une publicité non identifiée en faveur du parrain de l’émission. Il est recommandé que soit mentionnée une cote moyenne ou, à défaut, plusieurs cotes émanant de différents opérateurs.
Les dispositions de l’article 14-1 de la loi du 30 septembre 1986 prévoient que l’ARCOM « fixe les conditions dans lesquelles les programmes des services de communication audiovisuelle, à l’exception notamment des programmes d’information et d’actualité, des émissions de consommation, des programmes religieux et des programmes pour enfants, peuvent comporter du placement de produit ». Ces conditions sont applicables au placement de produit en faveur des opérateurs de jeux.
Toutes les communications commerciales précitées en faveur des opérateurs de jeux doivent en outre respecter les règles spécifiques suivantes, liées à la nature des services promus.
1. Identification des communications commerciales et de leur objet
Les communications commerciales doivent clairement indiquer qu’elles proposent un service de jeu d’argent et de hasard légalement autorisé. De même, l’annonceur à l’origine de la communication doit être clairement identifié.
2. Protection des mineurs
Doivent être exclues toute mise en scène de mineurs qu’ils soient ou non en situation d’achat, toute représentation de mineurs en situation d’achat et toute incitation des mineurs à jouer à des jeux d’argent et de hasard.
Les communications commerciales ne doivent ni rendre les jeux de hasard et d’argent particulièrement attractifs pour les mineurs en raison notamment d’éléments visuels, sonores, verbaux ou écrits, ni mettre en scène des personnalités, des personnages ou des héros appartenant à l’univers des enfants ou des adolescents ou disposant d’une notoriété particulièrement forte auprès de ces publics. Cette notoriété peut résulter de la participation de la personnalité, du personnage ou du héros à des actions promotionnelles (publicités, parrainages, manifestations promotionnelles des marques, etc.) à l’intention spécifique des mineurs pour des produits ou services qui leur sont destinés, lorsque cette participation est concomitante à la diffusion des communications commerciales en faveur d’un opérateur de jeux ou a lieu dans l’année précédant celle-ci.
Les communications commerciales ne doivent pas laisser penser que les mineurs ont le droit de jouer ni inciter les mineurs à considérer que les jeux d’argent et de hasard font naturellement partie de leurs loisirs.
3. Lutte contre l’addiction
Conformément à l’article D. 320-2 du code de la sécurité intérieure, toute communication commerciale en faveur d’un opérateur de jeux est assortie, dans des conditions fixées par le décret no 2020-1349 du 4 novembre 2020, d’un message de mise en garde contre les risques liés à la pratique du jeu. Ce message, qui doit figurer sur chaque support publicitaire ou promotionnel, contient notamment le numéro du service de communication en ligne du dispositif public d’aide aux joueurs mis en place sous la responsabilité de l’agence nationale de santé publique.
Il est présenté de manière accessible et aisément lisible, conforme à sa vocation de santé publique et clairement distinguable du message publicitaire ou promotionnel qui l’accompagne.
Les communications commerciales, sur la teneur desquelles l’Autorité exercera les compétences qu’elle tient de la loi, doivent respecter l’article D. 320-9 du code de la sécurité intérieure.
La délibération no 2013-3 du 22 janvier 2013 relative aux conditions de diffusion, par les services de télévision et de radio, des communications commerciales en faveur des opérateurs de jeux d’argent et de hasard est abrogée. La présente délibération est applicable sur l’ensemble du territoire de la République. Ses dispositions relatives
aux services de média audiovisuels à la demande entreront en vigueur à l’issue de la procédure de notification prévue par la directive du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information.
Elle sera publiée au Journal officiel de la République française. Fait à Paris, le 19 octobre 2022.
Pour l’Autorité de régulation
de la communication audiovisuelle et numérique :
Le président,
R.-O. MAISTRE